Déjà fragilisé, le poumon de l’économie tunisienne pourrait être affecté par l’attaque sanglante du 18 mars, qui a provoqué la mort d’au moins 23 personnes, dont 20 touristes étrangers.
L’attentat sanglant de Tunis est un nouveau coup dur pour le tourisme tunisien. “Cette attaque est lâche. Elle vise l’économie tunisienne, un secteur sensible et en crise”, déclarait le Premier ministre, Hassib Essid, quelques heures après l’attaque contre le musée du Bardo, dont le bilan ne cesse de s’alourdir.
Conséquence quasi immédiate, certains croisiéristes ont choisi de suspendre leurs escales en Tunisie. S’il s’agit pour l’heure de décisions marginales, d’autres annulations pourraient être désastreuses pour le tourisme, poumon de l’économie tunisienne. Le secteur y représente en effet 7% du PIB du pays, et fait directement vivre près de 400 000 personnes, soit 3% à 4% de la population du pays. “La Tunisie ne peut pas vivre sans tourisme”, rappelle à Jeune Afrique René Trabelsi, vice-président de la fédération de l’hôtellerie à Jerba, qui souligne que deux millions de Tunisiens vivent indirectement des recettes touristiques.
Un secteur moribond depuis la révolution de 2011 : en quatre ans, la fréquentation a chuté de plus de 12%, selon les chiffres du ministère du tourisme tunisien. En 2014, 6 millions de personnes ont visité le pays, contre 6,9 millions de touristes en 2010. “Le tourisme commençait à montrer quelques signes de redressement, même si on s’attendait à une année difficile. Mais après l’attentat, clairement, 2015 sera très compliqué”, poursuit René Trabelsi.
Les précédents coups d’arrêt
Car en Tunisie, le tourisme est fortement lié à la situation sécuritaire, rappelait le président de la Fédération tunisienne des agences de voyage et de tourisme, cinq jours avant l’attentat. Illustration en 2002, après l’attentat contre la synagogue de Djerba, qui avait tué 21 personnes dont 14 touristes allemands. Le nombre de touristes étrangers avait alors reculé de 7%, rapportait à l’époque Jeune Afrique.
Mais la baisse la plus spectaculaire est intervenue en 2011 après la révolution. Cette année-là, le nombre de visiteurs avait chuté de 30%. Plus récemment, c’est l’exécution d’Hervé Gourdel en Algérie, en septembre 2014, qui a mis un coup d’arrêt à l’attractivité du Maroc et de la Tunisie. La fréquentation touristique y avait baissé d’environ 15% dans les semaines suivant l’exécution, selon les déclarations de plusieurs responsables du secteur à l’AFP. Deux destinations essentiellement boudées par les touristes français, dont bon nombre ont à nouveau annulé leur voyage suite aux attentats de Paris en janvier, a déploré la ministre du tourisme tunisien, Amel Karboul.
Les professionnels du tourisme tablent désormais sur l’élan de solidarité exprimé par les internautes pour atténuer les effets de l’attentat. Après l’attaque, nombre d’entre eux ont exprimé leur soutien aux Tunisiens avec le hashtag #Iwillcometotunisia, promettant de venir passer leurs vacances en Tunisie. “Il ne faut pas que les discours de soutien restent des paroles vaines”, espère René Trabelsi.
CLAIRE RAINFROY