jeudi 21 novembre 2024
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Le colisée : un monument en constante évolution depuis 2000 ans

Du haut de ses 2 000 ans, le Colisée symbolise la grandeur et l’éternité de Rome. Construit en 70 de notre ère, il a su résister aux caprices de la nature tout comme aux aléas de l’histoire humaine. Entrepris il y a de cela un an, le ravalement de sa façade lui redonne un second souffle. Le monument se cherche désormais un nouvel avenir.

CO2En décembre 2013, sous l’impulsion de Diego della Valle, PDG de la marque de chaussure Tod’s, le plus connu des monuments de la Ville Éternelle se voyait recouvert d’échafaudages. Le but ? Lui redonner sa couleur proche du blanc et l’aspect qu’il avait à l’époque de l’Empire romain. L’édifice désormais toiletté, des membres du gouvernement Renzi proposent d’y reconstituer l’arène où se battaient les gladiateurs.

 

UN MONUMENT EMBLÉMATIQUE DE ROME

Fruit de la volonté de l’empereur Vespasien, l’amphithéâtre Flavien – le vrai nom du Colisée – se dresse dans le paysage romain depuis la seconde moitié du Ier siècle de notre ère. L’origine du surnom de l’édifice n’est pas sûre : certains pensent qu’on l’appelle ainsi à cause de sa taille imposante tandis que d’autres estiment qu’il doit son sobriquet au Colosse de Néron, gigantesque statue de près de 30 mètres de haut, qui se trouvait à proximité du bâtiment.

Le monument est à l’image de la Ville éternelle : un syncrétisme entre romanité et chrétienté. Au Panthéon, construit un siècle avant notre ère, une église a ainsi succédé à un temple romain dès le VIIème siècle. Le « père de la patrie », Victor-Emmanuel II, y est même enterré. Quant aux thermes de Dioclétien, situés sur les pentes du Viminal, ceux-ci accueillent désormais la basilique Sainte-Marie-des-Anges-et-des-Martyrs et la tombe du maréchal Armando Diaz qui mena l’Italie à la victoire durant la bataille de Vittorio Veneto (1918) lors de la Première Guerre Mondiale. Pour finir, les gladiateurs ont combattu au cœur du Colisée avant qu’il ne devienne le terminus du chemin de croix organisé chaque vendredi saint.

Ce dernier a été le témoin des divers événements qui ont secoué la cité ces vingt derniers siècles. Il a ainsi assisté à la persécution des premiers chrétiens, bien que seuls deux d’entre eux furent exécutés dans l’enceinte de l’édifice, à la prise de Rome par les troupes italiennes en 1870, a été témoin de la chute de l’empire d’Occident en 476, du déclin de la ville au Moyen-Âge et de son formidable renouveau sous la Renaissance.

Les différents chapitres de l’Histoire ont fragilisé le vénérable édifice. Les nombreux tremblements de terre qui ont secoué et qui frappent encore fréquemment le Latium – la région de Rome – ont ainsi abîmé l’œuvre. Le séisme de 1349 a entraîné la chute d’un pan entier de la façade face à la colline de la Plèbe, l’Aventin. Le passage inexorable du temps a aussi apporté son lot de désagréments. Il y a quelques années, un morceau de l’édifice s’est décroché et s’est écrasé en contre-bas. Cet incident a été l’un des signes montrant qu’il était temps de rénover le Colisée.

 

UN TRAVAIL DE RÉNOVATION OPÉRÉ PAR DES FONDS PRIVÉS

Récemment, Rome se refait une beauté et nombre de monuments de la Ville éternelle ont repris leur éclat originel. Les colonnes du Bernin qui enlacent d’une étreinte protectrice la place Saint-Pierre ont été nettoyées, la Barcaccia de la place d’Espagne est de nouveau d’un blanc éclatant. La pyramide de Caius Cestius, coincée entre le cimetière non-catholique et la Porta San Paolo est de nouveau visible comme elle l’était sous l’Antiquité. La fontaine de Trevi, elle, est actuellement en cours de rénovation pour retrouver son lustre d’antan.

Le ravalement du Colisée a cependant amené son lot de gabegies. En effet, l’État italien touche annuellement quelque 40 millions d’euros sur la vente des tickets permettant l’accès au Forum et à l’amphithéâtre Flavien. Les travaux n’ont coûté que la moitié de cette somme et pourtant, la collectivité a fait appel à l’entreprise privée Tod’s pour financer la campagne de rénovation du monument.

L’amphithéâtre Flavien n’est, en outre, pas le seul édifice rénové grâce à des fonds privés. Ainsi, la restauration de la fontaine de Trevi est menée par la marque de luxe Fendi. L’entreprise à l’origine du ravalement de l’église de la Trinité-des-Monts n’est autre que Bulgari.

Le Colisée est tout aussi beau qu’il y a 2 000 ans. Les plus pragmatiques diront que c’est l’essentiel. Les plus sceptiques, quant à eux, feront remarquer l’étonnante défaillance du ministère des Biens et des Activités culturelles à entretenir le patrimoine du Bel paese. Avec 47 sites classés à l’UNESCO, l’Italie peut se targuer d’être le pays le mieux doté au monde en biens d’exception. Plus de 60 % des vestiges présents sur la planète se trouvent uniquement dans la Péninsule.

Le problème du mauvais entretien et de la mauvaise gestion du patrimoine par les pouvoirs publics ne se pose cependant pas qu’au Colisée. Depuis le début des années 2010, quelques maisons ont par exemple touché terre à Pompéi. Pire, la moitié du site menace de s’effondrer. À Tivoli, dans la banlieue de Rome, la magnifique villa d’Hadrien montre d’inquiétants signes de faiblesse. Une fresque de la très célèbre Galerie des Offices de Florence se désagrège. Pour certains, l’Italie se trouve dans un état de « catastrophe culturelle ».

L’ancien maire d’Herculanum, Luisa Bossa, membre du Parti démocrate, rejette la faute sur les gouvernements de Silvio Berlusconi (2001-2006 et 2008-2011). Selon elle, les soldats du vieux satyre ont toujours dénigré la culture, ce qui n’est pas totalement faux. En 2010, Giulio Tremonti, ministre des Finances, avait déclaré sans sourciller « qu’on ne mange pas avec la culture ».

L’Italie consacre ainsi à peine 0,20 % de son budget à la culture et à l’entretien du patrimoine. À titre de comparaison, la France dédie presque 1 % des dépenses publiques à ce poste, soit cinq fois plus. L’austérité imposée par Mario Monti et Matteo Renzi, successeurs du septuagénaire controversé, n’améliore pas la situation.

Rome ne semble donc être que la partie émergée de l’iceberg. Étant la capitale de l’Italie, la Ville éternelle est la vitrine de la Péninsule. Celle-ci est choyée car elle attire irrésistiblement les touristes du monde entier. Elle bénéficie de travaux de maintenance exceptionnels tandis que certaines communes sont laissées pour compte. Le Colisée, quant à lui, semble particulièrement gâté par les campagnes de rénovation et de restauration de ces dernières années.

 

LE COLISÉE : UN REGARD TOURNÉ VERS LE FUTUR

Le ravalement de façade de l’amphithéâtre Flavien est certainement l’élément majeur de son renouveau. Personne ne peut manquer le Colisée immaculé de l’autre bout de la voie des Forums Impériaux, cette longue avenue percée sous Mussolini qui relie le monument plurimillénaire à la place de Venise.

Fin 2014, la phase initiale des travaux est terminée. La façade nord est propre, c’est désormais le sud du bâtiment qui va subir un lifting. Et le processus de rénovation sera totalement terminé au printemps 2016.

Entre-temps, nombre d’efforts ont été consentis à l’intérieur du Colisée. Ainsi en 2010, le « couloir de la mort », où bêtes et gladiateurs s’entassaient avant d’arriver dans l’arène, et le troisième étage de l’amphithéâtre ont été ouverts au public.

Une partie de l’arène a même été reconstruite dernièrement. Les touristes peuvent ressentir des émotions semblables à celles qu’ont pu avoir les combattants de l’Antiquité en pénétrant dans le lieu.

L’actuel ministre des Biens culturels, Dario Franceschini, propose même d’aller plus loin : il désire la reconstruction complète de l’arène. Il partage les idées de l’archéologue Daniele Manacorda, professeur à l’université Roma Tre, qui « ne voit aucun problème à redonner aux souterrains leur aspect souterrain ». Il ajoute que « la disparition de l’arène a transformé le Colisée en un lieu irréel. Sa reconstruction permettrait à l’édifice de redevenir un lieu ne symbolisant plus uniquement le tourisme de masse mais aussi un endroit accueillant – dans des formes le permettant – chaque événement de la vie contemporaine ».

Quoi qu’il en soit, l’amphithéâtre jette un œil sur son passé pour trouver son avenir. Le symbole de la Ville éternelle continuera à briller des années durant. Car comme l’a souligné l’écrivain anglais Byron, « tant que durera le Colisée, Rome durera ; quand le Colisée tombera, Rome tombera, et avec Rome, le monde ».

ANDRÉ FORISSIER

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