Les offres sur les sites d’échange de maisons sont en augmentation. Cette formule originale de vacances séduit les Français dont les maisons figurent parmi les premières destinations recherchées. A condition , bien sûr, d’avoir surmonté les premières craintes.
Les Français seraient frileux aux échanges ? Peu enclins à ouvrir les portes de leur domicile à des inconnus ? Le développement des sites d’échange de maison en France semble démentir ces préjugés. Apparu dans les années 1950, ce mode de vacances s’est ouvert au grand public français à la fin des années 1990. Le principe est simple: deux partenaires, souvent des familles ou des couples, entrent en contact et s’entendent pour échanger leurs maisons sur une période définie, d’un week-end à plusieurs mois.
La formule a connu un véritable boom avec le développement d’Internet. Les catalogues annuels et les lettres postales ont cédé la place aux sites actualisés 24 heures sur 24 et aux échanges de mails, rapides et gratuits à travers le monde. Un véritable coup de «baguette magique», selon William Heinzer, co-fondateur du site Trocmaison.com, qui propose plus de 33.000 offres dans 132 pays. A son ouverture, en juillet 2005, il n’en comptait que 6000. Homelink France, autre acteur phare de l’échange avec 13.000 offres dans 70 pays, revendique une hausse de 46% de ses abonnements depuis janvier 2007.
La France, première destination recherchée
Le concept vient des Etats-Unis où la mobilité est plus courante et l’attachement aux vieilles pierres moins poussé qu’en France. Pourtant, proportionnellement à la population, les Français figurent parmi les plus actifs sur les sites d’échange. «Ils sont aventureux ! s’exclame Denise Lemoine, responsable du développement de Homelink France. La France est le deuxième pays après les Etats-Unis en nombre d’abonnés». Même constat sur Trocmaison, la branche française de l’américain HomeExchange : plus de 5700 offres concernent des logements en France. Un chiffre qui n’est dépassé que par celui des Etats-Unis.
Pourquoi un tel engouement ? William Heinzer de Trocmaison, confie qu’il est «le premier surpris» du dynamisme de son site, ouvert un peu plus tôt que les autres versions européennes de HomeExchange. «La France est la première destination recherchée, affirme-t-il, donc les Français sont submergés de propositions». L’Ile-de-France et la Côte d’Azur figurent en tête des recherches mais d’autres régions comme la Bretagne tirent aussi leur épingle du jeu. La croissance du site s’appuie également sur «l’habitude des réseaux sociaux», qui pousse les internautes régulièrement à entrer en contact avec de parfaits inconnus, et sur le bouche-à-oreille qui permet de convaincre les voyageurs méfiants.
Préparer le premier échange
Laisser un inconnu seul dans sa maison enchante rarement au premier abord. «Le seul moyen de dépasser cette peur, c’est de discuter avec quelqu’un qui a déjà fait un échange», assure William Heinzer. «La communication entre les personnes est la base de tout», confirme Rodolphe Nargeot, président fondateur du site associatif gratuit Switchome. Avant de réaliser l’échange, les deux parties apprennent à se connaître par mail et téléphone. «L’échange le plus difficile est le premier », ajoute Denise Lemoine de Homelink. « On a peur pour ses affaires et de ce qu’on va trouver en arrivant. Mais après, on y prend goût».
La prudence est toutefois de mise même si, d’après les organismes d’échange et leurs clients réguliers, les incidents et les annulations sont très rares. Les nouveaux «échangeurs » devraient ainsi vérifier auprès de leur assurance qu’une casse éventuelle est couverte, surtout s’ils ont conclu un échange de voiture avec leurs partenaires. Ils peuvent aussi, s’ils le souhaitent, isoler quelques objets auxquels ils tiennent particulièrement. Enfin, s’ils sont locataires, ils peuvent prévenir leur propriétaire par simple courtoisie.
Echanger son appartement, c’est aussi faire quelques démarches pour rendre sa maison attrayante, trouver ses partenaires et s’entendre sur les dates et les différentes modalités. Une fois cette étape réalisée, il faut préparer la maison et réaliser un «home book», un véritable mode d’emploi de la maison sur les différents appareils et les bonnes adresses locales.
« Le touriste déguisé »
Mais selon les habitués, ces quelques inconvénients sont largement compensés par les avantages de cette formule originale. Il y a bien sûr l’aspect financier, non négligeable. S’offrir trois semaines à Hawaï ou deux mois en Australie n’est pas à la portée de toutes les bourses. Aussi est-il agréable, en échangeant sa maison, de supprimer de son budget les coûts liés au logement et de limiter les frais en nourriture.
Surtout, l’échange de maison séduit par son état d’esprit, loin des hôtels et des cars touristiques. Les «échangeurs» cherchent à découvrir un autre mode de vie en étant un «touriste déguisé», selon Jean-Louis, qui a déjà réalisé trois échanges. «Quand nous sommes au Canada, nous nous sentons canadiens, explique Gregory, un autre échangeur, nous sortons les poubelles, nous allons au supermarché, nous discutons avec les voisins, bref, nous faisons partie du paysage, nous ne sommes pas des touristes lambda dans un hôtel».
Un concept qui voudrait séduire les entreprises
Né au sein d’une communauté de professeurs américains, l’échange d’appartement a bien du mal aujourd’hui à retourner dans la sphère professionnelle. Homelink et Trocmaison tentent tous deux d’établir des partenariats avec des comités d’entreprise pour permettre aux salariés de s’abonner à un tarif réduit et d’échanger leurs logements entre eux ou avec les autres abonnés du site.
Trocmaison explique ainsi avoir créé un partenariat avec Dell Europe. L’initiative vient d’un des clients du site, directeur des ressources humaines du groupe informatique en Italie. Dell n’était pas disponible pour confirmer cette information « Ce n’est pas si simple de contacter les comités d’entreprise, admet William Heinzer. Mais ce n’est qu’un projet parmi d’autres».
Du côté de Homelink, les efforts ne sont pas beaucoup plus fructueux : on se souvient vaguement chez Ikea d’un partenariat terminé il y a plusieurs années entre la carte Ikea Family et l’organisme d’échange. Cette année, Homelink tente une nouvelle collaboration avec des comités d’entreprise du cabinet de conseil Capgemini, qui a fait appel aux services de l’organisme. Cependant, « ça démarre tout doucement, admet Malika Dellal, responsable du CE de Capgemini Ouest. Nous allons continuer d’inciter les salariés à partir via ce mode de vacances». Confiante, elle ajoute: « nous allons faire un travail de communication avec le retour des premiers partis », soit six familles cet été.
Lefigaro.fr