samedi 20 avril 2024
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Pourquoi part-on en voyage?

Curieux du monde, en quête d’idéal et d’humanité, mû par le défi, attiré par la nature : le voyageur a mille et une raisons de se mettre en route.

 

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Il faudrait se souvenir de la première fois… Celle qui explique pourquoi, un beau jour, le voyage, au loin, au long cours, s’est imposé comme une évidence. Un grand-père en Afrique peut-être. À moins que ce ne soit les récits de l’exploratrice Alexandra David-Néel en terres tibétaines.

“L’amateur d’aventure puise ses premières convictions dans les figures emblématiques du pèlerin, de l’aventurier-marchand, du scientifique, du romantique, du fugitif”, pense Sébastien Jallade, l’auteur de “L’appel de la route” (Transboréal). Il les alimentera aussi d’une foule de récits de voyage inspirants, depuis Hérodote qui proclamait, en quittant Halicarnasse (l’actuelle Bodrum) au Ve siècle avant Jésus-Christ, “on voyage pour voir le monde !”

 

“Une carte personnelle du monde”

Sébastien Jallade – de mère argentine et père français – avait 15 ans à peine quand il s’est envolé pour la Terre de Feu. “J’étais attiré par cette construction de l’image du bout du monde, telle qu’en France on pouvait la dessiner à travers une émission de télévision”, “Ushuaïa” de Nicolas Hulot. Ses parents lui avaient accolé son frère à peine plus âgé, histoire de se rassurer, mais sans doute auraient-ils mieux fait de ne pas se tromper de destination lors de l’achat des billets d’avion ! Les gamins débrouillards n’en reviendront qu’avec plus d’anecdotes et de vécu. “Cela nous a donné l’impression d’être entré dans une vie nouvelle.” Un rite initiatique, en quelque sorte.

Les appétits d’aventure du jeune homme, aiguisés par la mystique de l’exploration et la tentation du défi, se tournent alors vers la marche sur la grande route inca – 2500 kilomètres à sillonner la cordillère des Andes –, comme d’autres auraient pu projeter leurs envies sur la route de la Soie, la route 66, le Transsibérien ou le chemin de Compostelle – de puissants moteurs eux aussi. Les voyages, forcément dans la durée, permettent à chacun de se tracer “un chemin de vie original, libre et qui fasse sens”, de dessiner “sa carte personnelle du monde sur des sentiers mille fois empruntés” – à défaut de pouvoir explorer des espaces vierges qui n’existent plus.

 

En quête d’humanité

Il existe mille et une façons d’arpenter le monde, mille et une raisons de se mettre en route. Le bonheur d’être en voyage, naturellement ; de prendre le temps d’observer, d’écouter, de rencontrer, de découvrir. L’attrait de la nature ou de vestiges immémoriaux de notre histoire planétaire. La quête de cette part d’universalité et d’humanité commune à chacun de nous.

Mais bien des voyages naissent aussi dans la défiance à l’égard d’un système, d’une société de consommation marquée par la défaite de l’humanisme. Il y a du Jack Kerouac là-dedans, lui qui rejetait le conformisme américain on the road avant de revenir dans l’appartement de sa maman. “Aujourd’hui, le départ devient une réponse instinctive à la tendance déshumanisante des sociétés modernes”, affirme Sébastien Jallade. Le voyage est “de plus en plus l’acte d’individus sédentaires qui s’enfuient pour respirer un parfum de spiritualité”.

“L’idée d’aller au loin, de faire un détour par l’autre et l’ailleurs, permet aussi de mieux revenir”, ajoute l’ethnologue Chantal Deltenre, auteure avec Daniel De Bruycker d’un “Voyage. Miscellanées” (Nevicata) qui fourmille de références passionnantes. “Le voyage éclaire alors sa propre culture, il faut parfois ce recul pour mieux comprendre ce qu’il y a autour de soi.”

 

“Changer d’âme”

Mais, le plus souvent, dit-on le nomadisme occidental fondé sur la quête de soi et de son identité – “je suis libre de devenir ce que je veux être”. “Dans tout voyage, on cherche quelque chose de soi-même, on cherche un absolu, un idéal”, analyse Chantal Deltenre. Le trouve-t-on au bout de la route ? Sénèque, déjà, se posait la question, pour estimer que ce symbole de l’instabilité humaine ne résolvait rien. “Tu t’étonnes, après avoir fait un si long voyage et tant varié les itinéraires, de ne pas dissiper la tristesse de ton cœur. Ce n’est pas arrivé qu’à toi”, écrivait le philosophe au gouverneur romain de Sicile, Lucilius. “C’est d’âme qu’il faut changer, non de climat.”

Pour Sylvain Tesson, l’écrivain-voyageur français, rien de tout cela. “Il est de bon ton aujourd’hui de louer les vertus de l’errance”, ironise-t-il dans “Berezina” (éditions Guérin). “Nombre de voyageurs, adeptes des détours, nous servent leur soupe : ‘Il faut savoir se perdre pour se retrouver’, disent-ils. ‘Le chemin vaut mieux que la destination’, ajoutent les plus confucéens. ‘Il faut lâcher prise’, concluent ceux qui ne pratiquent pas l’escalade.”

 

“Hypnotisé par l’objectif”

Lui ne se revendique “pas du genre promeneur”, mais plutôt de la thèse de Tolstoï dans “La Guerre et la Paix” : “Lorsqu’un homme se trouve en mouvement, il donne toujours un but à ce mouvement. Afin de parcourir mille verstes, il doit pouvoir penser qu’il trouvera quelque chose de bon au bout de ces mille verstes. L’espoir d’une terre promise est nécessaire pour lui donner la force d’avancer.” Sylvain Tesson, lorsqu’il traversait l’Himalaya, le Gobi, le Tibet ou l’Anatolie, se sentait “projeté vers (son) but”. “Je marchais hypnotisé par l’objectif et ne me serais pas du tout vu musarder au gré du vent.” L’homme n’est pas un professionnel de la flânerie ni des chemins de traverse.

Mais finalement, faut-il vraiment analyser le pourquoi du comment ? Ne peut-on pas imaginer, comme le Suisse Nicolas Bouvier, qu’“un voyage se passe de motif” et que, tout simplement, “il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même” ?

Sabine Verhest

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